Ascension et Alchimie : Chemins croisés vers la transmutation de l’être
- Admin
- il y a 7 jours
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Depuis les temps les plus reculés, les traditions mystiques, ésotériques et spirituelles ont cherché à décrire le processus de transformation intérieure que traverse l’être humain en quête d’absolu. Deux termes, en apparence distincts mais profondément liés, cristallisent cette quête : ascension et alchimie. L’un évoque l’élévation, la montée vers un état supérieur de conscience ; l’autre, une transmutation, le passage de la matière brute à une substance pure, symbole du raffinement de l’âme.
Mais que signifie réellement ascensionner ? Et en quoi l’alchimie, souvent perçue comme un art ancien et mystérieux de transmutation des métaux, peut-elle éclairer ce processus ?
Cet article propose une exploration approfondie du lien entre ces deux voies, en les envisageant comme deux facettes d’un même itinéraire initiatique vers la plénitude de l’être.
I. Comprendre l’ascension : une élévation multidimensionnelle
Le terme ascension est fréquemment utilisé dans les courants spirituels contemporains pour désigner l’éveil à une conscience plus vaste, une montée vibratoire ou énergétique, voire une forme d’union mystique avec le divin. On parle d’ascension planétaire, de montée de kundalini, de réalignement à la conscience source.
Dans toutes ces expressions, un même mouvement est à l’œuvre : celui d’un dépassement de l’ego, de la densité, du karma et de l’inconscience pour se reconnecter à un principe divin immanent et transcendant.
Mais cette ascension n’est pas un simple envol mystique : elle implique une descente préalable dans les profondeurs de l’être. Ce paradoxe est fondamental. Avant de s’élever, il faut descendre : descendre dans les ombres, dans les blessures, dans les mémoires cellulaires, dans les conditionnements familiaux et collectifs. C’est là que l’alchimie intérieure entre en jeu.
L'ascension d'un point de vue spirituel consiste à manifester quelque chose, un état, par exemple un état physique, qui ne change pas, mais qui s'exprime dans des vibrations plus élevées, dans des mondes, dans es fréquences plus élevés vibratoirement.
II. L’alchimie : l’art sacré de la transmutation de soi
L’alchimie est bien plus qu’une protochimie. Elle est, pour les initiés, un langage symbolique décrivant les étapes du chemin intérieur vers l’unité. L’œuvre alchimique s’organise en trois grandes phases :
L’Œuvre au Noir (Nigredo) : décomposition, dissolution, mise en lumière de l’inconscient. Elle correspond à la traversée des ténèbres, des deuils, des souffrances, et prépare la terre intérieure à une refondation.
L’Œuvre au Blanc (Albedo) : purification, réconciliation des opposés, retour à la lumière intérieure. C’est le temps de l’innocence retrouvée, du pardon, du retour à l’âme.
L’Œuvre au Rouge (Rubedo) : union des polarités, incarnation de l’Esprit dans la matière. C’est l’enfant philosophique, le filius philosophorum, symbole de l’être intégré, ressuscité, qui peut vivre le divin dans son quotidien.
Dans ce processus, le plomb de la personnalité devient l’or de l’être. Chaque étape est une ascension en elle-même, car elle nécessite d’élever un état antérieur vers un niveau supérieur d’intégration, de conscience et de vibration.
III. Ascension et alchimie : deux langages pour une même voie
Ce qui relie profondément ascension et alchimie, c’est qu’elles décrivent le même mouvement d’évolution de la conscience, avec des vocabulaires différents.
L’ascension parle en termes d’élévation, d’éveil, de montée vibratoire, de reconnexion au Soi divin. L’alchimie parle en termes de dissolution, de purification, de coction, de coagulation. Mais dans les deux cas, il s’agit de passer d’un état fragmenté à un état unifié, d’une conscience séparée à une conscience divine incarnée.
Dans la tradition hermétique, cette union se formule par la devise solve et coagula : "dissous et réunis". Il faut dissoudre les anciennes formes, croyances et identifications (ego, trauma, mémoire, histoire) pour ensuite coaguler une nouvelle structure intérieure, plus proche du divin, stable et lumineuse. L’ascension, ainsi comprise, n’est pas une fuite du corps ou de la matière, mais une sacralisation progressive de la matière par l’Esprit.
IV. Le corps, creuset de l’ascension alchimique
Un aspect souvent oublié est le rôle du corps dans ces processus. L’alchimie intérieure ne se fait pas seulement dans l’âme ou l’esprit. Elle implique aussi une transformation cellulaire, énergétique et vibratoire. Le corps devient un athanor vivant, un four alchimique où se réalise la coction des forces de vie.
Dans le yoga intégral de Sri Aurobindo ou les enseignements de certaines écoles taoïstes et tantriques, on retrouve cette idée que le corps doit être transfiguré, non pas quitté. L’ascension véritable, loin de nier le monde ou la chair, les divinise. Cela rejoint l’idée chrétienne de la "résurrection du corps", non dans le sens d’un retour physique après la mort, mais comme transfiguration de la chair dans la lumière.
Cette dimension corporelle de l’alchimie ascensionnelle se retrouve dans les pratiques de respiration, de méditation, de circulation énergétique (comme le Qigong, le Yoga ou le Kriya), où l’on travaille à harmoniser les centres d’énergie, éveiller la kundalini, et faire descendre la lumière supramentale dans les cellules.
V. Les obstacles à l’ascension : plombs psychiques et karmiques
La route vers l’ascension n’est ni linéaire ni sans embûches. Chaque individu porte en lui des poids invisibles, souvent symbolisés par le plomb ou la boue en alchimie : blessures non résolues, mémoires d’âmes, loyautés familiales, croyances limitantes, peurs archaïques. Ces "scories" doivent être amenées à la conscience et transmutées en forces d’évolution.
Certains parlent de "nœuds karmiques", d’autres de complexes psychiques (en psychologie jungienne), mais tous s’accordent sur le fait que l’ascension nécessite un travail de nettoyage profond, une épuration intérieure constante. Cela demande courage, humilité et persévérance. Il ne s’agit pas de "positiver" la souffrance ou de la fuir, mais de la traverser consciemment, pour en tirer l’or caché.
VI. Le rôle de la guidance intérieure et des maîtres
Dans ce parcours, il est fréquent de rencontrer des guides : humains (thérapeutes, maîtres spirituels, enseignants), ou invisibles (anges, guides, Présence intérieure). L’alchimiste apprend à écouter sa guidance intérieure, à faire confiance à l’intelligence évolutive de la vie.
Le mercure, en alchimie, représente ce principe fluide et subtil qui relie les mondes : messager des dieux, il est aussi la voix de l’intuition, du rêve, du symbole. Il accompagne le processus de transmutation, tout comme l’intelligence divine accompagne l’âme dans son ascension.
Mais attention aux illusions : nombreux sont les faux guides, les projections, les "dérives lumineuses" où l’on croit avoir atteint un sommet alors qu’on évite simplement une souffrance. Le discernement est une qualité essentielle. L’or véritable ne brille pas toujours au premier regard. Il se reconnaît à sa capacité à engendrer la paix, la liberté, la vérité.
À force de travail, l'initié pourra obtenir la libération de son être psychique, dont on touche déjà une émanation avec le Moi Supérieur. L'être psychique, lorsqu'il est complètement formé et libéré, dirige consciemment le corps, l'esprit, et devient le véritable guide intérieur en dehors de l'influence du physique,du vital, du mental et de l'ego.
VII. Vivre l’ascension au quotidien : incarner l’alchimie
Ascension et alchimie ne sont pas réservées à des êtres d’exception ou à des expériences extatiques. Elles peuvent — et doivent — se vivre au quotidien, dans nos relations, nos choix, nos paroles, nos émotions.
Transformer une colère en parole juste, une peur en prière, un deuil en croissance intérieure, c’est déjà faire de l’alchimie. S’élever au-dessus de l’orgueil, de la victimisation ou de la séparation, c’est déjà ascensionner. La voie n’est pas spectaculaire : elle est intime, patiente, incarnée.
Ce n’est pas en quittant le monde que l’on devient lumineux, mais en y semant la lumière que l’on a cultivée en soi.
Conclusion : une seule œuvre, plusieurs visages
L’ascension n’est pas un but à atteindre, mais un processus continu de réunification intérieure, qui passe par les lois de l’alchimie : détruire ce qui est faux, purifier ce qui est authentique, unir ce qui est séparé, incarner ce qui est divin.
L’alchimie, de son côté, n’est pas une science dépassée ou un mythe romantique, mais une carte symbolique du voyage de l’âme vers son origine-lumière. Elle offre des repères puissants pour naviguer dans les eaux troubles de la transformation.
Ainsi, ascension et alchimie s’entrelacent comme les deux serpents du caducée : l’un représentant la montée vers le ciel, l’autre la descente dans la matière. Et au centre : l’être humain, pont vivant entre terre et ciel, appelé à se souvenir de sa nature divine, à l’incarner, et à la rayonner.