Chroniques d'un voyage Alchimique
- Admin
- 25 nov.
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Le Laboratoire et ses Fantômes : Une Autre Vision d'Auroville et de l'Ashram

Il est des lieux dont le nom seul suffit à évoquer des promesses de transformation. Auroville en fait partie. Avant même d’y poser le pied, son énergie nous précède, elle vient à notre rencontre. Dès notre arrivée, je l’ai sentie, cette vibration si particulière, cette pression douce mais insistante au sommet du crâne, là où le chakra coronal s’ouvre pour accueillir ce qui vient d’en haut. Une sensation indéniable, comme si l’air lui-même était chargé d’une intention, d’une conscience subtile. L'atmosphère était palpable, une sorte de dôme énergétique invisible recouvrant la Cité de l'Aurore.
Pourtant, au-delà de cette première impression, une dissonance s’est immiscée presque aussitôt. Un sentiment fugace mais tenace, comme lorsqu’on entre dans une cathédrale magnifiquement bâtie, mais vide de toute ferveur. L’architecture était là, l’intention originelle aussi, mais il manquait l’essentiel. Il manquait une âme. La structure semblait fonctionner à vide, comme un instrument splendide que plus personne ne viendrait accorder ni jouer.
Cette impression s'est confirmée et précisée le lendemain, au fil des rencontres. Il y a eu des exceptions, bien sûr, comme cette lumière croisée en la personne de Kripa, qui gère le gîte Shranga. En sa présence, le contact était direct, authentique. On sentait chez elle une flamme qui brûlait encore, une connexion réelle au travail spirituel, une incarnation de ce que ce lieu devrait être. Mais elle était précisément cela : une exception.
Car le sentiment général qui s’est rapidement imposé à moi était celui d’une immense paresse spirituelle. Une sorte de contentement béat, une illusion collective où la simple présence physique à Auroville semblait suffire. Beaucoup de résidents et de visiteurs paraissaient s’être convaincus qu’il suffisait d’être là, d’aller méditer au Matrimandir, de baigner passivement dans les énergies pour que la transformation s’opère d’elle-même, comme par magie.
Ils avaient confondu le laboratoire avec le résultat de l’expérience. Or, un laboratoire n’a de sens que si l’on y travaille, si l’on y expérimente, si l’on accepte de se confronter à soi-même. Ici, j’ai perçu un lieu où beaucoup étaient venus pour fuir le monde extérieur, mais sans avoir le courage d’affronter véritablement leur monde intérieur. Ils avaient trouvé un refuge confortable pour leur ego spirituel, un endroit où l’on pouvait dire que l’on faisait un travail, sans jamais vraiment le faire.

Ce même sentiment, cette même atmosphère de potentiel endormi, je l’ai retrouvé à l’ashram de Sri Aurobindo à Pondichéry. Là aussi, la force originelle, l'empreinte laissée par Mère et Sri Aurobindo, est indéniable. Elle imprègne les murs, elle vibre autour du Samadhi. Mais les êtres qui sont censés en être les gardiens et les continuateurs semblaient, pour la plupart, avoir oublié l’essence de cet héritage. Le contraste était saisissant. Comment un lieu porteur d’une telle promesse de libération et de conscience supramentale pouvait-il être administré par une rigidité si sclérosante ?
Nous nous sommes heurtés à ce que je ne peux qu’appeler une force d’opposition. Les gardiens du temple, au lieu d’incarner l’accueil et la bienveillance, se montraient hyper agressifs, procéduriers jusqu’à l’absurde. On se serait cru en prison, soumis à une bureaucratie tatillonne qui n'avait qu'un seul but : contrôler, limiter, entraver. Toute spontanéité, toute liberté d’être et de ressentir était méthodiquement étouffée par un système lourd et opaque. Un seul éclair dans tout cela : La présence massive de Mère et Sri Aurobindo bien entendu,mais ausssi , ce vieux monsieur qui tient une librairie dans l'ashram ,juste derrière le Samadahi, et dont le surveillant m'avait dit de ne pas aller le voir ni de lui acheter de livres. Lorsque je me suis retrouvé face à cet homme, la reconnaissance fut immédiate, une résonance silencieuse prouvant que le psychique, chez l'un comme chez l'autre, était éveillé.
En observant cela, les mots de Mère dans son Agenda me sont revenus avec une clarté fulgurante. Elle y décrivait cette force contraire, cette puissance de l'inertie et de l'inconscience qui s’oppose systématiquement à la descente de la Lumière. Cette force cherche toujours à figer, à codifier, à transformer le vivant en dogme mort. Et c’est exactement ce que je percevais à l'œuvre. Une force d'opposition très puissante qui, sous couvert de préserver le patrimoine, en bloquait l'accès spirituel.
Et le plus troublant, c'est que beaucoup de gens semblaient trouver leur compte dans ce système. Car la contrainte rassure. Elle donne un cadre, des règles, une illusion de structure qui dispense de la véritable discipline intérieure. Il est plus facile de suivre une file d'attente et de remplir un formulaire que de s'asseoir seul face à ses propres démons. En acceptant cette lourdeur, beaucoup s'achetaient une bonne conscience. Ils pouvaient dire : "Je suis à l'Ashram", "Je suis un disciple", sans jamais avoir à faire le travail exigeant que cela implique. L'opposition extérieure devenait le parfait alibi pour ne pas affronter l'opposition intérieure.
Cette perception n’était pas une surprise totale. Avant notre départ, en testant à distance la vibration des lieux, j'avais bien senti que quelque chose n'était pas aligné. La signature énergétique d'Auroville et de l'Ashram n'était pas celle que l'on aurait pu attendre. Elle n'était pas porteuse, pas dynamique. Elle était stagnante, comme une eau qui ne circule plus. Il était clair que notre passage n'allait pas être une simple visite, mais qu'un travail de nettoyage et de réactivation était nécessaire. C’est ce que nous nous sommes attachés à faire, en conscience, à chaque méditation, à chaque pas.
Rétablir le contact, purifier ce qui était pollué par l'inertie humaine, et réinsuffler une intention claire et vivante. Et je peux affirmer aujourd'hui que ce travail a porté ses fruits. La vibration des lieux s'est corrigée après notre passage ; Auroville et l'Ashram ont retrouvé une autre dimension, plus proche de leur vocation originelle. Mais cette expérience souligne une vérité essentielle : ces lieux sacrés sont des organismes vivants. Leur vitalité dépend entièrement du niveau de conscience de ceux qui les habitent et les animent.
Ce climat interne de stagnation et de contrôle n'est d'ailleurs que le miroir d'une menace extérieure bien réelle. Les pressions du gouvernement indien pour s'approprier Auroville, les chantages sur les visas, les tentatives de déstabilisation... Tout cela n'est pas un hasard. Un lieu qui perd sa force spirituelle intérieure devient vulnérable aux attaques du monde matériel.
La force d'opposition qui se manifeste à l'intérieur sous forme de bureaucratie et de paresse spirituelle est la même qui se manifeste à l'extérieur sous forme de prédation politique et administrative. Le combat est un. Venir ici n'était donc pas seulement un pèlerinage personnel ; c'était participer, à notre modeste échelle, à ce combat pour que la Lumière ne soit pas étouffée, pour que le Laboratoire ne devienne pas un musée, et pour que la promesse de Mère et Sri Aurobindo puisse continuer à vibrer pour ceux qui ont le courage, non seulement d'y venir, mais d'y travailler vraiment.
A suivre...



