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Marseille, l'Alchimie du désordre

  • Photo du rédacteur: Admin
    Admin
  • 30 août
  • 5 min de lecture
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Il y a des villes qui se lisent comme des livres ouverts. Et puis il y a Marseille. Elle ne se donne pas, elle se prend, ou plutôt, elle vous prend, vous retourne, et vous recrache un peu différent. On croit venir y chercher le soleil et la mer, et l'on se retrouve embarqué dans quelque chose de plus ancien, de plus profond. Une sorte de Grand Œuvre à ciel ouvert, bordélique et magnifique, où chaque coin de rue semble travailler la matière humaine. Pour la comprendre, il faut oublier les cartes et suivre les énergies.


La montée vers la Bonne Mère, ou le début de l'épure


Pour saisir le pouls de Marseille, il faut d'abord s'extraire de sa fièvre. Grimper. Que l'on sue à grosses gouttes sur le bitume en été ou que l'on se laisse porter par le petit train, l'ascension vers Notre-Dame de la Garde est une première purification. Le bruit de la ville s'estompe, se transforme en une rumeur lointaine. Le claquement du soleil sur la nuque, le vent qui se lève, tout participe à ce dépouillement. Arrivé là-haut, sous l'œil doré de la statue monumentale, le chaos prend sens. La ville s'étale, non plus comme un labyrinthe, mais comme une paume de main offerte. C'est la première étape : l'élévation, la prise de conscience.


Mais le véritable secret n'est pas dans le panorama. Il est à l'intérieur, sur les murs couverts d'ex-voto. Oubliez les musées. Ici, c'est l'art brut de la vie elle-même. Des plaques de marbre gravées, des peintures naïves d'un bateau pris dans la tempête, un casque de poilu, une jambe de bois... Chaque objet est une prière matérialisée, une histoire de transmutation. La peur de la mort est devenue gratitude. Le plomb de l'épreuve est devenu l'or de la survie. Ce n'est pas de l'or, c'est du sang, de la sueur et des larmes transformés en un simple "merci". Toute l'alchimie est là, dans cette transformation du pire en lumière.


Le Vieux-Port, chaudron originel


Une fois redescendu de ce nid d'aigle spirituel, on plonge tête la première dans le chaudron. Le Vieux-Port. C'est le ventre de Marseille, là où tout a commencé et où tout continue de se brasser. Ça crie, ça sent le poisson, le sel et le gazole, ça vit avec une intensité presque violente. C'est le creuset parfait. L'eau salée de la mer, la terre des quais foulée par des millions de pas, l'air du Mistral qui vient tout décaper, et le feu du soleil qui cogne sur les mâts. Les quatre éléments sont là, en plein travail.


Les bateaux qui partent et qui reviennent ne sont pas que des moyens de transport. Ils sont la métaphore du voyage intérieur. Quitter le connu, affronter l'incertitude du large, et revenir changé, chargé de nouvelles expériences. Chaque jour, ce rituel se répète. Et puis, il y a ce drôle de miroir géant, l'Ombrière. En passant dessous, le monde bascule.


On marche sur le ciel, les silhouettes se dédoublent, flottent. C'est un petit vertige, une piqûre de rappel ludique : regarde les choses autrement, inverse les perspectives, et tu verras peut-être une autre vérité. "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", disaient les anciens textes. Sur le Vieux-Port, il suffit de lever la tête pour le vérifier.


Les Calanques, le silence qui façonne


Quand la fureur du centre devient trop forte, il y a une échappatoire : le grand silence minéral des Calanques. C'est un autre type d'alchimie, plus lente, plus puissante. Celle de la nature elle-même. Des millions d'années d'eau et de vent travaillant la roche blanche pour sculpter ces cathédrales de calcaire. C'est une leçon de patience. Descendre dans une calanque, c'est quitter le monde des hommes pour entrer dans le temps géologique.


Les grottes qui percent les falaises, comme des yeux sombres, sont des invitations à l'introspection. On pense à Cosquer, ce sanctuaire secret englouti, gardien de mémoires préhistoriques. Ces cavités sont l'athanor, le four secret de l'alchimiste. C'est l'œuvre au noir, la descente en soi-même, dans l'obscurité et l'humidité, pour y trouver la matière première de sa propre transformation. Et puis il y a la vie, têtue, qui s'accroche partout. Ce pin torturé par le vent, cette fleur violette dans une fissure. C'est le triomphe du vivant sur la pierre, de l'esprit sur la matière inerte. Un spectacle d'une pureté absolue.


Saint-Victor, la mémoire des profondeurs


Non loin du Vieux-Port, une forteresse semble monter la garde. Saint-Victor. Son apparence austère cache un cœur encore plus ancien. Pour le trouver, il faut descendre. Encore. Les cryptes de l'abbaye sont un voyage dans les racines de la ville. L'air y est frais, l'odeur de pierre froide et de temps arrêté vous saisit. On marche au milieu des sarcophages des premiers chrétiens, on touche du doigt une histoire qui a traversé les siècles.


C'est l'épreuve de l'ombre, la confrontation avec les os, avec ce qui reste quand tout le reste a disparu. En alchimie, on parle de putréfaction, l'étape où la vieille forme doit mourir pour laisser place à la nouvelle. C'est exactement ce que l'on ressent ici : une dissolution dans l'histoire, un face-à-face avec la finitude pour mieux apprécier la lumière. Et cette lumière, elle jaillit chaque année à la Chandeleur, quand la procession aux cierges verts sort de ces ténèbres pour réveiller la ville. De l'ombre à la lumière, le cycle est complet.


Longchamp, l'exubérance de l'eau retrouvée


Et après l'ombre, l'explosion. Marseille, dans un élan de fierté presque baroque, a su célébrer ses victoires. Le Palais Longchamp n'est pas un palais de roi, c'est un temple dédié à l'eau. Une célébration spectaculaire de la fin d'une longue épreuve : la soif. Pendant des siècles, Marseille a manqué d'eau. L'arrivée du canal de la Durance fut une renaissance, et ce monument en est l'allégorie flamboyante.


La fontaine monumentale est une cascade de vie qui dévale au milieu de statues puissantes. Des taureaux, symboles de la force brute de la nature, enfin domptés et mis au service de l'homme. C'est l'aboutissement de la quête : la matière première sublimée, le manque transformé en abondance. Se promener dans ses jardins, c'est comme déambuler dans un rêve de perfection, une harmonie enfin trouvée entre l'homme et les éléments.


L'alchimie du quotidien, dans le ventre de Noailles


Mais l'alchimie la plus vibrante de Marseille n'est peut-être pas dans ses monuments. Elle est dans la rue, dans le maelström sensoriel de Noailles. Se perdre dans ce marché, c'est plonger dans un creuset humain. L'odeur du cumin et de la menthe, le cri des vendeurs, la couleur des olives et des piments, les conversations dans toutes les langues...


Ici, les traditions des apothicaires d'antan survivent dans les gestes de la vieille dame qui choisit ses herbes, dans les recettes qui se transmettent à voix basse. C'est une alchimie pratique, instinctive, qui cherche à combiner les saveurs pour nourrir, à mélanger les plantes pour guérir. C'est le Grand Œuvre du quotidien.


Marseille ne vous laissera pas indemne. Elle vous bouscule, vous confronte à vos propres contradictions. Elle est à la fois solaire et sombre, brute et spirituelle. C'est une épreuve, un passage. On y vient en touriste, on en repart pèlerin, avec un peu de son sel et de son soleil incrusté sous la peau. Elle ne vous donne pas la pierre philosophale. Elle vous met sur le chemin.

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