Méditation et Alchimie : Au-delà de la Pleine Conscience, la Descente en Soi
- Admin
- 3 août
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Vous connaissez le refrain. Il est partout, sur les applications de nos téléphones, dans la bouche des coachs, sur les couvertures des magazines. "Méditez". On nous vend le calme, la sérénité, une petite pause bien méritée dans le vacarme de nos vies. La promesse est celle de la pleine conscience : asseyez-vous, respirez, et regardez passer vos pensées comme des nuages dans le ciel. Ne jugez rien, ne vous accrochez à rien. Devenez le spectateur de votre propre tumulte.
Et je ne vais pas vous dire que ça ne marche pas. Bien sûr que si. C'est une bouffée d'air. Le singe qui s'agite dans notre crâne finit par se calmer. On touche du doigt un silence, un espace que l'on croyait perdu. C'est une hygiène de l'esprit, et elle est salutaire. C'est le vestibule. L'antichambre du temple.
Mais mon travail, ma passion, c'est de vous demander : et une fois dans l'antichambre, on fait quoi ? On admire les moulures au plafond ? On passe sa vie à polir le parquet de cette petite paix de surface ? Le danger, que je vois tous les jours, c'est celui d'un anesthésiant de l'âme, ce que l'on nomme le "bypass spirituel". On se drape dans une toge de "zénitude" pour ne plus sentir ce qui gronde dans la cave. On utilise le détachement comme une fuite élégante. Un collègue vous humilie ? "J'observe ma colère monter, c'est intéressant." Un deuil vous frappe ? "J'accueille ma tristesse sans m'y identifier." En apparence, c'est admirable. En réalité, on est juste devenu un expert pour ne plus être touché, pour ne plus être vivant. On est devenu sourd au bruit de l'incendie.
La voie qui m'anime, celle de l'alchimie, pose un tout autre regard. Pour elle, le silence n'est pas une destination ; c'est le point de départ. C'est le moment où, enfin, on peut commencer le véritable travail. Car sous la surface lisse de nos pensées contrôlées se trouve l'océan de notre être profond, avec ses courants glacés, ses trésors rouillés et ses monstres familiers. La pleine conscience vous apprend à regarder la mer depuis la sécurité du rivage; Je vous invite à plonger.
Cette invitation n'a rien de nouveau. Elle me fait penser aux Pères du Désert, ces premiers mystiques chrétiens. Quand ils partaient dans le silence de la Thébaïde, ce n'était pas pour un séjour spa pour l'esprit. Ils allaient au combat, au corps à corps avec leurs "démons" – leurs pensées, leurs pulsions, ce qu'ils appelaient l'acédie, le démon de midi qui vous vide de toute volonté. Leur méditation était un face-à-face, une épreuve du feu. C'est cette même démarche, active, courageuse, que j'appelle la descente en soi.
Ici, on ne se contente plus d'observer les nuages. On vole dedans pour voir de quoi ils sont faits. On ne regarde plus passer la tristesse ; on s'assoit avec elle et on lui demande son nom. D'où viens-tu, toi, cette boule dans la gorge qui se serre sans raison ? De quelle mémoire es-tu le gardien, toi, ce poids sur mes épaules ?
Imaginez, un instant. Vous êtes assis en silence, et cette vieille douleur dans le dos se réveille. Au lieu de l'ignorer, vous portez toute votre attention sur elle. Vous respirez dedans. Vous lui donnez une forme, une couleur. Vous entrez en dialogue avec elle, comme avec une personne. Et vous écoutez. La réponse ne viendra pas en mots clairs, peut-être. Ce sera une image, un souvenir d'enfance, une autre sensation ailleurs dans le corps. Mais le dialogue est ouvert. Maintenant, imaginez une vague de colère qui monte face à une situation que vous jugez injuste. Au lieu de la réprimer ou de la "laisser passer", vous l'accueillez dans un espace intérieur sécurisé. Vous lui demandez : "De quoi as-tu si peur ? Quelle est la limite sacrée qui a été violée en moi ?" Vous découvrirez peut-être que sous la colère se cache une profonde tristesse, ou une peur de ne pas être respecté. La colère n'est que le chien de garde d'une partie plus vulnérable de vous-même.
Dans cette descente, on quitte le rôle confortable de l'observateur pour devenir l'explorateur de sa propre cave. On apprend à dialoguer avec les différentes parts de soi. C'est la première étape du Grand Œuvre, le Nigredo, l'œuvre au noir. C'est une plongée volontaire dans sa propre ombre, non par masochisme, mais parce que l'on sait, d'une connaissance intime, que la lumière la plus vive naît de l'obscurité la plus profonde. La terre n'est pas une punition pour la graine, c'est sa condition pour germer. L'ego, notre personnalité de surface, a une peur bleue de cette phase, car elle représente une perte de contrôle. Et c'est justement le but. Il faut accepter de dissoudre ce que l'on croit être pour laisser émerger ce que l'on est vraiment.
Bien sûr, ce chemin est exigeant. Il demande du courage. Mais la paix qui en résulte a le poids du réel. Ce n'est plus un calme fragile, dépendant des circonstances extérieures. Ce n'est plus le silence d'une pièce vide, mais le silence vibrant d'une forêt pleine de vie. C'est une force tranquille, celle de quelqu'un qui a cessé de se fuir, qui a osé regarder ses propres dragons en face et a découvert qu'ils gardaient la porte de son propre trésor. Le silence n'est plus vide, il est plein. Plein de vous-même, dans votre entièreté.
Ce chemin, je le connais. Je l'ai arpenté et j'y guide d'autres personnes chaque jour. Il ne peut se faire à la légère, sans cadre ni boussole, car lorsqu'on ouvre la porte de la cave, on ne sait jamais ce qu'on va y trouver. C'est le cœur de l'enseignement que je transmets au sein de mon école. Nous n'y apprenons pas à éviter les vagues, mais à surfer dessus, et même à plonger pour comprendre la puissance de l'océan.
Si vous sentez au fond de vous que le temps de la contemplation est révolu et que celui de l'exploration est arrivé, si la paix silencieuse vous laisse sur votre faim, alors il est temps. Parlons-en. Le véritable voyage commence maintenant.